samedi 20 octobre 2012

Le système bonus-malus automobile va-t-il tuer les constructeurs français?

L'Assemblée nationale a voté un durcissement du barème bonus-malus écologique sur les émissions de CO2 pour les automobiles. Cela fait longtemps que je souhaitais faire un article à ce sujet. L'excellente chronique "La pratique de l'automobile" de Jean Remy Macchia du 15 octobre, m'en donne l'occasion. 

Ce qui va changer, un lourd durcissement des malus:
En soi, les seuils du barème bonus malus CO2 évolue peu puisque qu'il débutera à 135 gr de CO2 au lieu de 140. Ce qui va vraiment changer est le lourd durcissement des malus.
Ainsi, l'achat d'une voiture émettant plus de 150 gr de CO2/km sera majoré d'un malus de 1000€, rien que ça. L'addition peut donc vite s'avérer salée.
Jean Remy Macchia prend l'exemple d'une Renault Modus essence avec boite automatique, soit sa version qui consomme le plus dans la catégorie très prisée en ce moment des petits monospaces (entre citadines segments B type Clio et compactes segments C type Megane). La petite Renault Modus, qui n'est pas un monstre de puissance ni une grande voiture verra son malus multiplié par 2,7. Le malus passera de 750€ à 2000€. Un Qashqai 2 litres essence aurait un malus de 5000€, rien que ça. C'est a se demander si les parlementaires ont réalisé l'impact sur le consommateur.

Les impacts sur le marché:
JM Macchia soulève trois impacts négatifs:

- Risques de développement de filières avec des voitures venant de l'étranger:
Pour échapper au malus certains pourraient être tentés d'acheter leurs voitures à l'étranger, car déjà la TVA française est parmi les plus élevées. Les concessionnaires français risquent de ne pas apprécier.

- Risques d'appauvrissement des constructeurs car les marges sur les petites voitures sont plus faibles:
C'est là que le bas blesse. Alors que nos hommes et femmes politiques disent se battre pour le sauvegarder les deux constructeurs français PSA Peugeot Citroen et Renault, cette hausse des malus va les affaiblir. En effet, cela va inciter à acheter des voitures du segment A (Twingo, Up, ...) et B (Clio, Fiesta, ...). Cela va poser deux problèmes graves. 
Le premier est que les constructeurs ne gagnent presque pas d'argent sur ces modèles, les marges étant très basses. Cela ne va pas aider les trésoreries délicates de PSA et Renault.
Le second est que ces modèles sont les moins produits en France. Par exemple chez PSA: Citroen/Peugeot C1/107 sont fabriquées à 100% en République tchèque, les C3 Picasso 100% en Slovaquie, 208 en partie en Slovaquie. Chez Renault: Twingo 100% en Slovénie et la Clio 4 à 40% en Turquie. Une mauvaise nouvelle pour l'emploi après la fermeture annoncée de PSA Aulnay. 

- Va favoriser les diesels alors qu'ils émettent des particules fines et des NOX:
Là aussi, il y a un contre sens écologique. Le barème du bonus malus se base uniquement sur le rejet de CO2 qui est corrélé à la consommation. Ceci favorise donc de fait les moteurs diesel. Pourtant le diesel est reconnu comme plus nocif du fait des particules fines et des oxydes d'azote. La France continue donc de favoriser le diesel, pas étonnant que nous soyons en Europe les champions, alors que dans d'autres pays les essence sont plus présents.

Ma critique sur les femmes et hommes politiques, la mise en difficulté des constructeurs français et des classes populaires:
Il est impossible, en plus du volet écologiste, de ne pas voir dans cette modification du bonus malus, une tentative de protectionnisme déguisé à l'encontre des constructeurs allemands premium (Mercedes, BMW et Audi) qui voient leur ventes exploser en France. 
Mais ce raisonnement est très simpliste, voire même faussé. En effet, cette refonte favorise les segments A et B, moins rentables pour les constructeurs et l'emploi car beaucoup de modèles sont délocalisés pour justement être un minimum rentables.
Concernant l'écologie, ce n'est pas mieux, en se basant uniquement sur l'émission de CO2, cela favorise artificiellement le diesel par rapport à l'essence. Or, la plupart des publications scientifiques mettent prioritairement en cause les motorisations diesel du fait de leurs rejets de particules fines et d'oxydes d'azote (Nox). L'OMS a récemment donné raison à ces études. La France contre le reste du monde? En France, environ 70% des voitures vendues sont des diesel, une exception, dans presque tous les autres pays les essence représentent plus de 50%. Aux Etats Unis et au Japon le diesel ne représente que 2% des ventes, oui 2%!!! On incite donc nos constructeurs à fabriquer des modèles diesel alors qu'ils s'exporteront moins bien que les essence. Et après on parle d'écologie? 
Se pose également le problème de l'accès à l'automobile pour les personnes peu aisées. Imaginez une famille avec 3 ou 4 enfants. L'achat d'un monospace ou d'un break relativement grand est lourdement "malussé". C'est bien de les favoriser, mais tout le monde ne peut pas s'acheter des voitures hybrides (la moins chère Toyota Yaris hybrid) ou électriques.

S'il est adopté, le dispositif va faire passer la part des véhicules assujettis à cette taxation écologique de 11,6% en 2011 à plus de 18% en 2013.

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